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En Inde, comment encourager les plus démunis à scolariser leurs enfants ?

Yenee Kim , Assistant Professor
Malobi Mukherjee , James Cook Univ.
Reetika Gupta , ESSEC

Yenee Kim, Assistant Professor à l'EDHEC, et ses co-autrices - Malobi Mukherjee (James Cook Univ.) et Reetika Gupta (ESSEC) - présentent, dans un article initialement publié sur The Conversation, leur étude de terrain menée dans l’est de l’Inde sur les campagnes d’informations relatives à l’éducation.

Temps de lecture :
19 avr 2023
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L’accès à l’éducation est l’un des principaux droits humains fondamentaux et un tremplin pour la croissance économique, le bien-être et le développement durable. Pourtant, un jeune adulte sur dix dans le monde (sur environ un milliard de jeunes adultes) ne possède pas les compétences de base en lecture, en écriture et en calcul.

Il n’est donc pas surprenant que l’éducation et la pauvreté soient étroitement liées. La pauvreté pèse souvent lourdement sur les possibilités et les aspirations des enfants en matière d’éducation. La grande majorité (92 %) des jeunes les plus pauvres d’Afrique subsaharienne, d’Asie centrale et d’Asie du Sud n’ont pas terminé le deuxième cycle de l’enseignement secondaire.

En Inde, en particulier, seuls 8 % des jeunes adultes les plus pauvres terminent ce deuxième cycle. En effet, de nombreux obstacles se dressent sur le chemin des enfants les plus défavorisés lorsqu’il s’agit d’éducation. Ainsi, le manque de sensibilisation des parents, la pression exercée pour que les enfants contribuent aux revenus du ménage ou encore aux tâches quotidiennes contribuent à éloigner la possibilité, pour eux, d’aller au bout de leurs études secondaires. Pourtant, l’éducation reste l’une des méthodes les plus efficaces pour briser le cercle vicieux de la pauvreté.

 

Psychologie sociale

Pour mieux comprendre les raisons de ces obstacles, nous avons mené une étude de terrain dans l’est de l’Inde qui a permis d’éclairer une partie des mécanismes psychologiques relatifs à l’éducation des enfants des ménages du « bas de la pyramide » qui regroupe, selon la Banque mondiale, celles et ceux gagnant entre 1,90 et 3,20 dollars américains par jour. Nous avons axé notre recherche sur la manière dont les campagnes d’informations relatives à l’éducation destinées à ces populations pourraient être rendues plus efficaces à travers le prisme de la théorie des niveaux de représentation.

Il s’agit d’un concept de psychologie sociale selon lequel plus vous percevez un événement à distance, plus cet événement vous semblera abstrait et vous vous concentrerez sur les facteurs de désirabilité de l’événement. En revanche, plus vous percevez un événement de près, plus vous le percevez comme étant concret et vous vous concentrez sur les facteurs de faisabilité de l’événement.

La distance peut être physique, temporelle, sociale ou psychologique. Par exemple, si vous envisagez de prendre des vacances dans un an, vous aurez des pensées plus abstraites et vous vous concentrerez sur les facteurs de désirabilité tels que la destination ou l’idée du moment de détente que vous passerez. En revanche, si vous devez partir en vacances la semaine prochaine, vous aurez des pensées plus concrètes et vous vous concentrerez sur les facteurs de faisabilité tels que le choix de l’hôtel et le calcul de l’heure à laquelle vous devez quitter votre domicile.

 

Un vaste « bas de la pyramide »

Différents segments peuvent être formés à l’échelle mondiale au sein des personnes et foyers situés dans le « bas de la pyramide » des revenus et patrimoines. Par exemple, les plus démunis financièrement (environ 1,4 milliard de personnes) n’ont pas accès à la nourriture, au logement ou à l’eau potable et dépendent principalement de l’aide d’organisations à but non lucratif pour survivre.

Le segment intermédiaire, composé d’environ 1,6 milliard de personnes, dispose généralement d’un revenu instable en tant que travailleur journalier ou temporaire et peut généralement s’offrir un repas par jour. Enfin, les consommateurs les moins démunis – parmi les plus démunis – financièrement (environ 1 milliard de personnes) peuvent avoir des revenus semi-réguliers et s’offrir avec parcimonie quelques biens de consommation tels qu’un téléviseur, un téléphone portable ou une bicyclette.

Au sein de ces ensembles, nous avons considéré que les consommateurs les plus démunis seraient probablement plus réceptifs à une approche abstraite de l’éducation de leurs enfants, telle que l’idéal d’un avenir prospère. En revanche, les consommateurs les moins démunis seraient plus enclins à répondre à une approche plus concrète de l’éducation que pourraient suivre leurs enfants, approche dans laquelle un accès simple et facile à cette éducation est central.

Fourni par l'auteur

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour vérifier ce postulat, nous avons mené une étude quasi expérimentale sur le terrain dans un village du Bengale occidental, dans l’est de l’Inde. Au cours de nos entretiens en face à face, nous avons montré à nos répondants deux campagnes d’information différentes pour leurs enfants. L’une d’entre elles mettait fortement l’accent sur la désirabilité (« un avenir réussi ») et l’autre sur la faisabilité (« un accès simple et facile à l’éducation »).

Les résultats ont confirmé notre théorie. Les participants les plus démunis financièrement ont davantage apprécié la campagne qui présentait un cadre de désirabilité, attiré par la vision abstraite et lointaine de l’éducation apportant « un avenir prospère » à leur enfant. Les participants moins démunis financièrement ont préféré la campagne qui présentait un cadre de faisabilité, avec une approche plus concrète mettant en avant « un accès plus facile à l’éducation » pour leur enfant.

 

Réduire les obstacles à l’éducation

Dans l’ensemble, cette étude examine les mécanismes psychologiques de l’approche de l’éducation des enfants par les foyers les plus défavorisés et la manière dont nous pouvons utiliser différentes modalités d’information pour encourager l’éducation des enfants. Ce faisant, nous fournissons des suggestions perspicaces pertinentes sur la manière d’améliorer l’efficacité des campagnes d’information des enfants ciblant le segment des populations les plus démunies.

Plus précisément, cette recherche suggère deux points : (1) ces campagnes devraient être adaptées aux populations du « bas de la pyramide » et que ce vaste segment, qui compte 4 milliards de personnes, ne devrait pas être traité comme un tout ; (2) il est essentiel de développer des campagnes d’information de ces populations basées sur une meilleure connaissance de ces consommateurs, qui en constituent le public principal, pour une plus grande efficacité. Dans l’ensemble, des stratégies différenciées et des messages ciblés sont essentiels pour communiquer les avantages de l’éducation des enfants au sein de ces populations.

Ainsi, cette étude peut avoir des implications considérables pour les décideurs politiques, les gouvernements et les organisations à but non lucratif qui s’efforcent de réduire les obstacles à l’éducation, potentiellement globalement, bien que notre étude se limite à une région de l’Inde.

 

Cet article, écrit par Yenee Kim, Assistant Professor, à l'EDHEC Business School, Malobi Mukherjee, Senior Lecturer à James Cook University et Reetika Gupta, Associate Professor à l'ESSEC, a été republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

 

Photo de jaikishan patel sur Unsplash

The Conversation