À la rencontre de Michael Antioco, un Doyen qui aime grandir et faire grandir
Veiller sur une communauté de près de 190 professeurs et chercheurs, avec autant de personnalités, styles et aspirations individuelles, n’est pas le poste le plus tranquille du monde. D’autant plus dans une école de management du top 10 européen. Mais c’est une mission que Michael Antioco, fraîchement confirmé dans ses fonctions de Doyen du corps professoral et de la recherche pour un second mandat, prend à bras-le-corps avec l’enthousiasme et la détermination qui le caractérisent…et un sens certain de l’équilibre.
Né à Bruxelles, il se dit volontiers “de nationalité européenne”, ayant grandi dans un foyer italo-britannique, soit un pur produit estampillé CEE (communauté économique européenne, l’ancêtre de l’Union actuelle). De ce contexte originel, au carrefour d’influences multiples, Michael a tiré très tôt un intérêt pour l’autre, une capacité à aller à la rencontre de ce qui lui est étranger pour en faire la synthèse et grandir. Le premier test grandeur nature de ce trait de caractère intervient au cours de son Master en Business Science avec une année d’échange universitaire à Tokyo. “En parallèle du programme de l’université, je travaillais dans une entreprise qui commercialisait du matériel éducatif et des cours de langue, notamment d’anglais”, raconte l’intéressé. “J’ai donc vécu une triple immersion : personnelle, universitaire et professionnelle. Une année déterminante pour la suite de mon parcours.”
Rentré en Belgique, Michael poursuit et achève son Master à l’Université Catholique de Louvain, avec un projet de recherche portant sur l’appétence du marché japonais pour une molécule capable de détecter le cancer. Il trouve un intérêt évident à faire le lien entre la salle de classe et les problématiques réelles des entreprises, démarche qu’il appliquera pour le reste de sa carrière.
Il se voit ensuite proposer de rejoindre l’Université d’Eindhoven, aux Pays-Bas, pour débuter un doctorat co-financé par la direction d’imagerie médicale de Philips. Mais Michael ne se contente pas de se confronter à un seul nouvel environnement puisqu’il profite de l’opportunité qui lui est présentée de se rendre pour quelques mois à la prestigieuse Université de Purdue, aux États-Unis, en tant que chercheur invité. Une nouvelle fois, l’immersion est multiple et extrêmement enrichissante, tant sur un plan intellectuel que personnel. Il termine, en 2006, sa thèse en Marketing : "L'orientation des entreprises manufacturières vers les services : Impact sur le succès des nouveaux produits". “Je garde un très bon souvenir de ces années de doctorat”, précise-t-il. “Le rapport étroit entre monde académique et entreprises aux Pays-Bas a vraiment cimenté chez moi la conviction que la recherche doit être ancrée dans le réel, doit chercher à avoir un impact. J’ai aussi beaucoup appris de l’approche néerlandaise : une culture du consensus, un style de communication très direct et un management plus horizontal que vertical.”
Michael arrive en France en 2006, à la faveur d’un premier poste d’enseignant en Marketing à l’IESEG School of Management de Lille. À sa grande surprise, après le Japon, les Pays-Bas ou les États-Unis, c’est le contexte français qui va provoquer un choc culturel : “L’omniprésence de la hiérarchie, un management plutôt top-down, une communication très encadrée, avec beaucoup de codes, il m’a fallu plusieurs mois pour arriver à trouver le bon rythme et m’adapter”, confie-t-il.
Une fois sur les rails, Michael amorce des recherches autour des problématiques d’innovation, de changement de business model et d’extension de marques, qui se traduiront par des publications dans des revues internationales (1). Il étudie notamment la communication visuelle des produits de soins (2), le marketing de la santé (3), ainsi que les conditions d’adoption d’une nouvelle technologie par les consommateurs (4).
Il est fréquemment sollicité par ses étudiants pour s’intéresser au secteur du luxe qui, au tournant des années 2010, vit une véritable révolution. “Post-crise économique de 2008, le secteur est à une période charnière et les marques, notamment françaises, commencent à revoir leur stratégie pour conquérir de nouveaux publics tout en gardant leur singularité”, commente-t-il. “C’est aussi une période d’accélération de la concentration en grands groupes, avec la montée en puissance de LVMH et PPR (aujourd’hui Kering).” Un champ idéal pour la recherche et l’enseignement en marketing qu’il n’a pas quitté depuis.
Michael fait son entrée à l’EDHEC en 2013 et, à peine un an après son arrivée, prend la direction du département Marketing. Un poste qu’il occupera jusqu’à sa première nomination en tant que doyen du corps professoral et de la recherche en 2021.
“La recherche, c’est 20% du budget de l’école. Le Doyen est donc au cœur de la proposition de valeur de l’EDHEC. Il faut organiser et animer la création de connaissance, structurer et délivrer l’enseignement, développer et maîtriser l’impact de nos activités. C’est une mission aux enjeux et aux défis conséquents, mais c’est ce qui la rend passionnante”, explique-t-il. “Pour naviguer entre ces différents enjeux, il faut être constamment ouvert à l’innovation et à la discussion, dans un secteur où l’accompagnement du changement est très important : on n’impose rien à un corps professoral ! Il faut savoir communiquer une stratégie, en faire la pédagogie, ne pas craindre de prendre des décisions difficiles voire impopulaires, savoir fixer un cap sans toutefois se montrer inflexible ou rigide. Tous les jours, je cherche les équilibres, en essayant de maintenir des lignes directrices auxquelles chacun peut se référer.”
Un travail d’équilibriste justement qui a propulsé Michael dans le monde du haut management, ce coup-ci en tant qu’acteur et non plus en tant qu’observateur.
À l’aube de son deuxième mandat, il tire déjà des enseignements précieux de cette expérience : “J’ai appris la force du collectif et le pouvoir de la complémentarité, mais aussi qu’on peut être exigeant tout en ayant un style de management collaboratif. Faire adhérer à une mission demande beaucoup d’énergie, mais on peut être attaché à l’excellence sans se transformer en autocrate. J’ai aussi appris qu’il faut laisser du temps entre une question et une réponse, surtout pour les décisions qui ont un fort impact. Enfin, je suis convaincu qu’il faut savoir s’entourer de gens qui partagent un socle de valeurs communes. Cela permet de régler quasiment toutes les situations, de bâtir ensemble à partir d’un langage commun.”
Le retrouvera-t-on à ce poste dans 10 ans ? Rien n’est moins sûr car il aura peut-être d’ici là embrassé une carrière de joueur international de bridge (son passe-temps n°1, un héritage de sa grand-mère), ou sera devenu un auteur à succès (quand il aura terminé le roman entamé voilà deux ans…). Ce qui est certain c’est que d’ici là, il aura notamment recruté et intégré en 4 ans plus de 100 professeurs et chercheurs dans le cadre du plan stratégique « Générations 2050 » de l’EDHEC. Le doyen n’en est clairement pas à son dernier défi…
Dates clés
Depuis 2021 : Doyen du corps professoral et de la recherche, EDHEC Business School
2014-2020 : Directeur du département Marketing, EDHEC Business School
Depuis 2013 : Professeur en Marketing, EDHEC Business School, Lille
2010-2013 : Professeur associé en Marketing, EMLYON Business School, Lyon & Shanghai
2006-2010 : Assistant Professor puis Professeur associé en Marketing, IESEG School of Management, Lille
2002-2006 : Doctorat en Marketing & Innovation Studies, Université d’Eindhoven (Pays-Bas)
2004-2005 : Chercheur invité, Purdue University, West Lafayette, Indiana (États-Unis)
2001-2002 : Master recherche (DEA) en Business Science, Université Catholique de Louvain
1996-2001 : Master en Business Science, Université Catholique de Louvain (Belgique)
1999-2000 : Échange universitaire, Sophia University, Tokyo (Japon)
Pour en savoir plus sur Michael Antioco
- Voir sa page EDHEC Business School
- Accéder à son profil Research Gate
- Visiter son profil LinkedIn
Références
(1) Pour prendre connaissance de ses publications, accéder au profil Researchgate de Michael Antioco : https://www.researchgate.net/profile/Michael-Antioco
(2) Michael Antioco, Dirk Smeesters, Aline Le Boedec. Take Your Pick: Kate Moss or the Girl Next Door? The Effectiveness of Cosmetics Advertising (2012). Journal of Advertising Research - https://doi.org/10.2501/JAR-52-1-015-030
(3) Adam Lindgreen, Martin K. Hingley & Michael Antioco. Value Marketing in the Health Care Industry (2011). Journal of Marketing Management; Pages 199-206 - https://doi.org/10.1080/0267257X.2011.545668
(4) Michael Antioco, Mirella Kleijnen. Consumer adoption of technological innovations: Effects of psychological and functional barriers in a lack of content versus a presence of content situation (2010). European Journal of Marketing, Vol. 44 No. 11/12, pp. 1700-1724. - https://doi.org/10.1108/03090561011079846